Classé dans : Catholicisme — Vincent Pellegrini @ 13:55
Lu sur le blog Summorum Pontificum cet extrait d’un article rédigé par Kenneth Wolfe et paru le 29 novembre dans le New York Times. (attention ce texte peut heurter la sensibilité de certains catholiques):
” Dès 1947, le Pape Pie XII avait publié une encyclique sur la liturgie [Mediator Dei] qui écartait toute modernisation. Il disait d’ailleurs que l’idée de changer la messe traditionnelle le “peinait gravement”. Paradoxalement cependant, c’est Pie XII qui est en grande partie responsable des bouleversements de 1969. C’est en effet lui qui, en 1948, nomma à la commission liturgique du Vatican celui qui allait devenir l’architecte en chef de la nouvelle messe : Annibale Bugnini. Né en 1912, Bugnini fut ordonné prêtre lazariste en 1936. Bien que Bugnini n’ait eu qu’une petite dizaine d’années d’expérience paroissiale, Pie XII le nomma secrétaire de la Commission pour la réforme liturgique. Dans les années 50, Bugnini fut chargé d’une révision importante des offices de la Semaine Sainte. Les effets s’en firent sentir le Vendredi Saint de 1955 quand, pour la première fois, les fidèles s’unirent au prêtre pour réciter le Notre Père et le prêtre se tourna vers l’assemblée pendant une partie de la liturgie. Le Pape suivant, Jean XXIII, nomma Bugnini secrétaire de la Commission préparatoire pour la Liturgie du Concile Vatican II. À ce titre, il travailla sur les réformes liturgiques avec des membres du clergé catholique mais aussi, de façon surprenante, avec des pasteurs protestants. En 1962, il rédigea ce qui deviendra finalement la Constitution sur la Sainte Liturgie, le document qui a donné forme à la nouvelle messe. Bien des réformes de Bugnini visaient à apaiser les non-catholiques et des changements inspirés des célébrations protestantes furent entrepris, notamment le déplacement des autels face au peuple plutôt que pour un sacrifice tourné vers l’orient liturgique. Comme il le dit : “Nous devons éliminer (…) de notre liturgie catholique tout ce qui peut être l’ombre d’une pierre d’achoppement pour nos frères séparés, c’est-à-dire pour les protestants.” (Paradoxalement, les Anglicans qui vont rejoindre l’Église catholique suite à la main tendue du Pape actuel, utilisent une liturgie où le prêtre et l’assemblée sont souvent tournés dans la même direction.)
Comment Bugnini a-t-il pu introduire d’aussi radicales modifications ? En partie parce qu’aucun des papes qu’il a servi n’était liturgiste. Bugnini a changé tant de choses que le successeur de Jean XXIII, Paul VI, n’était parfois pas au courant des dernières directives. Un jour, alors que le Pape interpellait ses équipes en leur signalant que les ornements préparés par leurs soins étaient de la mauvaise couleur liturgique, il s’entendit répondre que comme il avait supprimé l’octave de Pentecôte, il ne pouvait plus porter les ornements rouges pour la messe. Le cérémoniaire pontifical témoigna avoir alors vu Paul VI fondre en larmes. Bugnini entra en disgrâce dans les années 70. Des rumeurs alléguant de son appartenance à la franc-maçonnerie apparurent dans la presse italienne, ce qui pouvait lui valoir l’excommunication. Le Vatican ne démentit pas, mais envoya Bugnini, devenu entre-temps archevêque, occuper une fonction honorifique en Iran. Il mourut dans l’oubli en 1982. Mais son héritage lui a survécu. Le Pape Jean-Paul II continua à libéraliser la célébration de la messe ; autorisant les jeunes filles à servir la messe et les laïcs non consacrés, hommes comme femmes, à distribuer la communion dans la main des fidèles se tenant debout devant eux. Même des organisations conservatrices comme l’Opus Dei adoptèrent ces réformes liturgiques progressistes. Cependant Bugnini semble enfin avoir un adversaire à sa mesure en la personne de Benoît XVI, lui-même liturgiste reconnu et guère admirateur des bouleversements des 40 dernières années. Officiant en latin, portant des ornements traditionnels et distribuant la communion sur la langue de fidèles agenouillés (plutôt que dans les mains), Benoît XVI a entrepris de revenir progressivement sur les innovations de ses prédécesseurs. Et la messe traditionnelle est de retour, au moins sur une base limitée, comme c’est le cas à Arlington (Virginie) où une paroisse sur cinq offre l’ancienne liturgie. Benoît XVI a compris que ses jeunes prêtres et séminaristes – pour la plupart nés après Vatican II – étaient de précieux auxiliaires pour une contre-révolution. Ils apprécient la beauté de la messe solennelle, ses chants, son encens et son cérémonial. Prêtres en soutane et religieuses en habit ne sont plus rares ; les sociétés traditionalistes comme l’Institut du Christ-Roi sont en plein essor. Au début de cette décennie, celui qui n’était encore que le cardinal Ratzinger écrivait : “La position du prêtre tourné vers le peuple a fait de l’assemblée priante une communauté refermée sur elle-même dans sa forme extérieure. Celle-ci n’est plus ouverte ni vers le monde à venir, ni vers le ciel ; elle est plutôt dans une logique de fermeture.” Il avait raison : 40 années de nouvelle messe ont introduit le chaos et la banalité dans le plus visible des signes extérieurs de l’Église. Benoît XVI veut un retour à l’ordre et au sens. Un souhait partagé, semble-t-il, par la nouvelle génération de catholiques. » Kenneth Wolfe, New York Times, 29 novembre
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