lundi 20 juin 2011

Changer la mondialisation en débattant au pied du Cervin

Congrès. Le Zermatt Summit a réuni durant trois jours 200 leaders économiques pour redonner un visage humain à la globalisation et à ses acteurs.

Vincent Pellegrini
A Zermatt tout est possible. Y compris de voir un  moine ouvrir un congrès rassemblant deux cents leaders de l’économie. C’est en effet le Père Nicolas Buttet, modérateur de la Fraternité Eucharistein, qui a été jeudi le premier orateur du Zermatt Summit. Ce congrès, qui en est à sa deuxième édition à Zermatt, est présidé par l’industriel suisse Christopher Wassermann. Il a pour but d’humaniser la globalisation et les économistes qui viennent à Zermatt sont originaires de tous les continents.

L’homme d’abord.

Le Père Buttet a expliqué qu’il y a un temps normal (le chronos) et un autre temps (le kairos) qui fait irruption dans l’histoire des hommes  lors d’un événement particulier. C’est pourquoi il ne faut pas seulement retrouver une bonne santé économique après la crise mondiale, mais surtout retrouver un sens à l’économie. Et Nicolas Buttet de poursuivre: «En 1873 eut lieu la première  grande panique mondiale. Depuis, il y en eu d’autres, dont celles des subprimes et de Dubai.  Nous vivons une succession  de crises, en oubliant ce que nous aurions dû apprendre de ces différentes crises. Face au système, au modèle et aux structures héritées du XXe siècle et l’échec des idéologies, il faut repenser la responsabilité personnelle. On veut repenser les structures et donner de nouveaux algorithmes aux bourses  mais personne n’a abordé le fond du problème. La crise actuelle devrait pourtant nous faire comprendre que chaque être humain a une responsabilité là où il est. Chacun doit y réfléchir car c’est le défi de ce siècle. La Crise doit nous ramener à l’exigence  personnelle. C’est la question du sens. Beaucoup ont des moyens de vivre mais peu ont des raisons de vivre. Je veux dire qu’il va falloir non seulement  trouver un capital financier et humain,  mais aussi spirituel. Ce sont les valeurs qui transcendent l’économie et permettent d’obtenir une prévisibilité des personnes dans tous leurs comportements et dans des situations toujours changeantes. Même Alan Greenspan, ex-président de la réserve fédérale américaine, a dit que la nature humaine et la crise étaient en lien. Cela arrive quand l’homme n’est même plus au centre de lui-même. La  pyramide devrait être spirituelle, culturelle, politique, économique et technique. Le leadership devrait être un service d’amour au prochain. L’homme ne vaut pas par ce qu’il fait, mais par ce qu’il est. La mondialisation pose la question de l’être. La nouvelle globalisation doit être une réhumanisation de l’homme. Il faut échapper aux incohérences par une ligne de conduite: la vérité des relations humaines et un surcroit d’humanité sinon nous irons à la catastrophe. Même une socidété anonyme ne doit pas vouloir dire anonymat».  Le quasi-miracle, c’est que cette vision très morale a fort bien passé auprès des économistes présents alors qu’ils venaient de plusieurs écoles de pensée.
Le congrès a duré trois jours de discussions très denses. Il a surtout permis aux participants de se rencontrer, de se lier d’amitié et de mettre en œuvre des réseaux pour donner un visage plus humain à  la mondialisation.

mercredi 15 juin 2011

Nucléaire: L'art du possible

Cavalier seul
Vincent Pellegrini 
La politique devrait toujours rester l’art du possible. Et le débat sur le nucléaire ne doit pas non plus se laisser gagner par l’émotion de l’après Fukushima. On ne peut pas poser un acte de foi aveugle dans la capacité technologique future de la Suisse de se passer de l’énergie nucléaire helvétique et étrangère. Le Dr Hans Püttgen a relevé certains paradoxes. Les centrales nucléaires assurent 39,3% du gâteau énergétique helvétique. On a beaucoup parlé des projets de pompage-turbinage pour l’hydraulique, mais il faut savoir que le pompage fonctionne surtout de nuit avec de l’électricité française fortement d’origine nucléaire. Il aurait fallu tenir compte dans le débat de l’augmentation annoncée et inéluctable de l’électricité consommée. Selon un scénario de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), en 2035 la consommation électrique aura par exemple augmenté de 13% malgré une diminution globale de la consommation d’énergie de 14%. Moins d’énergies fossiles, mais plus d’énergie électrique malgré les mesures d’économie d’énergie. Et le professeur Püttgen d’avertir: «Malgré des mesures incitatives et réglementaires qui vont faire  fortement chuter la consommation totale d’énergie, nous allons vers un monde toujours plus électrique.» Et même la dernière centrale nucléaire construite en Suisse (Leibstadt en 1984) devra être mise hors service vers 2020 déjà… L’hydraulique est l’atout de la Suisse mais nos lois écologiques rendent difficiles de nouveaux projets même dans la mini-hydraulique. Et une étude de la SATW montre que si l’on couvrait 10% des toits suisses avec du photovoltaïque, on obtiendrait une production annuelle de 5 TWh qui serait surtout disponible l’été quand la Suisse est déjà exportatrice d’électricité. A titre comparatif, la centrale nucléaire de Leibstadt produit 9,4 TWh/an. Selon le scénario optimiste de l’OFEN pour 2020 (dénucléarisation et en poussant au maximum toutes les énergies renouvelables), il  manquerait encore en électricité 7 TWh/an pour la Suisse, soit presque autant que la centrale  nucléaire de Gösgen.

jeudi 9 juin 2011

L'omerta


                       Cavalier seul
Vincent Pellegrini

Les frasques de Dominique Strauss Kahn nourrissent un feuilleton américain aux multiples rebondissements. Et se pose cette légitime question: pourquoi les grands médias, pourtant au courant du rapport compulsif de DSK aux femmes, n’ont-ils  rien dit auparavant? Plus d’une bombe aurait en effet dû déjà sauter sous les semelles de l’ex-futur-candidat à la présidentielle française. La journaliste et romancière Tristane Banone, invitée à l’émission de Thierry Ardisson, a par exemple révélé en 2007 qu’elle avait dû se battre au propre comme au figuré pour échapper à la concupiscence de DSK qui agissait «comme un chimpanzé en rut», rappelle le Figaro Magazine. Bref, tout le monde savait. En France, les journalistes de la gauche caviar ont pourtant déjà commencé à défendre DSK, comme s’il s’agissait d’une affaire banale. Certains journalistes, en tout cas, auraient mieux fait de se taire. Par exemple Jean-François Kahn qui expliquait le 16 mai sur France Culture: «Selon lui il n’y a pas eu une tentative violente de viol mais une imprudence, un troussage domestique. Il s’est depuis excusé de sa maladresse.»  Voir un journaliste de cette envergure traiter cette affaire avec une telle désinvolture en dit long sur les œillères que peuvent vous donner les coteries. A force de côtoyer les puissants et de chanter à l’unisson du politiquement correct, certains journalistes n’ont  même plus les pieds sur terre. Selon que vous serez riche ou pauvre… On verra si la justice américaine fera mentir la fable.  En parlant de journaliste, j’en mentionnerai un autre, au calibre nettement supérieur à celui de Jean-François Kahn. Je veux parler d’Antoine Blondin, mort il y a 20 ans, le 7 juin 1991. Il aimait certes trop la dive bouteille («au goulot» lâchait-il lorsque ses confrères se mettaient à écrire). Mais Blondin ne se serait pas trompé de combat et respectait sa profession. Il la pratiquait avec autant de classe que d’humour. Ne disait-il pas sentencieusement: «N’oublie pas que l’on écrit avec un dictionnaire et une corbeille à papier, tout le reste est litres et ratures»?