mercredi 25 mai 2011

Mémoire d’éléphant

Cavalier seul

Vincent Pellegrini

Une dépêche d’agence nous apprenait la semaine dernière que les accords de Schengen sur la libre circulation des personnes coûte dix fois plus cher que prévu au contribuable helvétique. Vous avez bien lu: dix fois plus cher. On a roulé le souverain helvétique dans la farine avec des méthodes qui seraient lourdement sanctionnées dans les entreprises privées. Je ne m’étonne pas, en tout cas, de lire que les Suisses sont seulement 19 % à vouloir l’adhésion à l’Union Européenne (12% de moins que l’an dernier) et que trois Suisses sur quatre veulent ainsi préserver la politique et l’économie d’une Suisse trop petite pour se défendre en faisant partie de l’Union Européenne. L’agence de presse traite les Suisses de «repliés» sur eux-mêmes. Moi je dirais qu’ils sont lucides et qu’ils ont une mémoire d’éléphant. Ils ont compris que Schengen facilite la petite criminalité transfrontalière. Que le principe du cassis de Dijon accordé de manière unilatérale à l’Europe n’a pas fait baisser les prix autant qu’on le leur avait promis et constitue une concurrence supplémentaire pour les produits suisses. Les Suisses n’ont pas apprécié que les pays voisins achètent des données bancaires volées pour tuer le secret bancaire helvétique et la place financière qui va avec. Bref ils ont très peu goûté la goujaterie de l’attaque fiscale menée par l’Europe contre un régime financier dont le seul tort était d’être concurrent. Et puis, il y a eu l’affaire des otages suisses en Libye où l’Europe n’a rien fait de sérieux auprès du fantasque et criminel colonel pour dénouer la situation. Pas étonnant quand Berlusconi baisait la main du tyran. Ces jours-ci, et le Figaro Magazine en a fait un reportage, les douaniers italiens incitent les immigrés d’Afrique du Nord à prendre le train pour aller dans d’autres pays de l’espace Schengen. Cela aussi, les suisses l’on vu. Et quand ont leur dit que chaque année la population suisse augment de la taille démographique d’une ville comme Saint-Gall, ils ne mettent pas beaucoup de temps pour comprendre que cela n’est pas dû à un salvateur baby boom helvétique.

mercredi 18 mai 2011

Le Sacré contre le Siècle

Cavalier seul

Vincent Pellegrini

- Il y a des jours où la sécularisation de l’Eglise suisse avance plus que d’autres. J’ai été très surpris d’apprendre que la remise officielle du Prix catholique des médias 2011 aura lieu le 24 mai au siège de la Conférence des évêques suisses et récompensera pour la  Suisse romande l’émission «Les Zèbres, émission quotidienne avec les enfants de la Radio Suisse romande.  C’est un jury indépendant, nous dit-on, qui a distingué ce lauréat. Le 16 mai, l’agence du Vatican citait le pape qui recevait les participants au Congrès mondial organisé par le Conseil pontifical Iustitia et Pax à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'encyclique Mater et Magistra de Jean XXIII. Dans son discours, Benoît XVI a souligné «qu’il fallait développer des synthèses culturelles humanistes ouvertes à la transcendance à travers une nouvelle évangélisation»... Voilà, pour moi quels devraient être les critères du prix catholique des médias en Suisse.
- En juillet 2007, le pape libéralisait l’ancienne messe. Mais face à la mauvaise volonté de nombre d’évêques à appliquer ce motu proprio, le Vatican a dû sortir la semaine dernière une instruction, approuvée par le pape, qui précise et surtout facilitera les conditions d’application du motu proprio pour les 80 personnes qui l’ont demandé en 2007 déjà dans le Valais romand (www.summorum.ch). Il est dit dans l’instruction que «en raison de son usage antique et vénérable, la forme extraordinaire (ancienne messe) doit être conservée avec l'honneur qui lui est dû.» On sait en effet que le pape veut «favoriser la réconciliation au sein de l’église». L’instruction parle de l’ancienne messe comme d’un «trésor à conserver précieusement». Et même, le Vatican «demande aux ordinaires (évêques) d'offrir au clergé la possibilité d'acquérir une préparation adéquate aux célébrations dans la forme extraordinaire (ancienne messeI)» en ajoutant que «cela vaut également pour les séminaires, où l'on devra pourvoir à la formation convenable des futurs prêtres par l'étude du latin, et, si les exigences pastorales le suggèrent, offrir la possibilité d'apprendre la forme extraordinaire du rite (ancienne messeI)».








mercredi 11 mai 2011

Cavalier seul


Désemparé

Vincent Pellegrini

Le décès de mon père m’a laissé très désemparé et submergé en cette vallée de larmes. Trop de souvenirs remontaient à la surface de mon âme. Je n’ai pas voulu les enfouir, mais les vivre jusqu’au bout car l’amour ne meurt jamais et il a sa patrie, au-delà du temps. Etre entouré comme je l’ai été durant son enterrement m’a réconforté. Et le chant grégorien, vaisseau céleste de l’âme, m’a laissé entrevoir une autre rive. Il me faut désormais accepter mon destin d’homme. Ce n’est pas gagné. Pourquoi ai-je tant de peine à accepter la mort de mon père?  Un ami ermite de Facebook, frère Maximilien-Marie, m’a écrit un jour où j’étais déprimé par la maladie de mon père: «On posait un jour au philosophe Gustave Thibon cette question: Quel est le plus grand mal de notre époque? Et il fit cette réponse: Exiger du temps qu'il tienne les promesses de l'éternel. Simone Weil a tout dit : "Dieu et l'homme sont comme deux amants qui se sont trompés sur le lieu de leur rendez-vous. L’homme attend Dieu dans le temps et Dieu attend l’homme dans l’éternité. Cher Vincent, ne demandez pas à Ce temps dans lequel nous sommes immergés de tenir les promesses de l’éternité ». Aujourd’hui, je dis avec Pindare, le plus grand poète grec de l’antiquité, en citant l’une de ses odes et en l’appliquant à mon père décédé : «Il tient du sort comme butin d’élite le calme pour l’éternité dans les demeures bienheureuses. » Et si cela ne suffit pas à ma compréhension, je relirai le Livre de Job.
 Réaliser aussi que la santé est  un trésor. Le 8 mai, dans l’une de ses audiences, le pape a rappelé: "La santé est une réalité de compréhension globale, intégrale, qui va d'être bien, nous permettant de vivre sereinement une journée d'étude, de travail ou de vacances, jusqu'au Salus Animæ dont dépend notre destin éternel... Jésus a révélé que Dieu aime la vie et veut la libérer de toute négation jusqu'à la plus radicale qui est le mal spirituel, le péché, racine vénéneuse qui empoisonne tout. Pour cela, Jésus lui-même peut s'appeler santé de l'homme...»

samedi 7 mai 2011

Le détail du crucifix

Vincent Pellegrini
 Benoît XVI est un pape de l’approfondissement théologique, un mystique et un  liturgiste. J’ai été frappé, en regardant dimanche la messe de béatification à Rome,  que Benoît XVI avait fait placer sur l’autel, en face de lui, une grande Croix qui le séparait en quelque sorte des fidèles. Et à chaque fois qu’il invoquait le Christ, le pape élevait son regard vers la croix. On sait que le pape est très sensible à la célébration de la messe par le prêtre «tourné vers le Seigneur». A noter que dans un livre publié en 2004 en anglais (et en 2006 en français par la maison d’édition “Ad solem”) et consacré à l’orientation de la prière liturgique, celui qui était alors le cardinal Joseph Ratzinger écrivait en préface: “Pour le catholique pratiquant ordinaire, les changements les plus patents de la réforme liturgique du second concile du Vatican semblent tenir en deux points: la disparition du latin, et le fait d’avoir tourné les autels vers le peuple. Ceux qui liront les documents de référence seront surpris de constater qu’en vérité ni l’un ni l’autre ne se trouve dans les décrets du concile. (…) Il n’y a rien dans le document conciliaire qui concerne le fait de tourner les autels vers le peuple; ce point n’apparaît que dans les instructions post-conciliaires »
Dans les “Opera omnia” de Joseph Ratzinger théologien, l’ouverture est toute entière consacrée à la liturgie. Benoît XVI y explique: «L’idée que, dans la prière, le prêtre et le peuple devraient se faire face n’est née que dans le christianisme moderne, elle est tout à fait étrangère au christianisme ancien. Il est certain que le prêtre et le peuple prient tournés non pas l’un vers l’autre, mais vers l’unique Seigneur. Dans la prière, ils regardent donc dans la même direction: soit vers l’Orient, symbole cosmique du Seigneur qui vient, soit, si ce n’est pas possible, vers une image du Christ dans l’abside, vers une croix, ou simplement vers le ciel. Il ne faut pas procéder à de nouvelles transformations, mais placer simplement au centre de l’autel la croix vers laquelle le prêtre et les fidèles pourront se tourner ensemble.»