En Suisse, une commission nationale d’éthique ouvre la voie à la reconnaissance du gémissement de la carotte
Classé dans : Religions non-chrétiennes — Vincent Pellegrini @ 10:56 Modifier
Billet écrit par le docteur et professeur de philosophie François-Xavier Putallaz et paru aujourd’hui dans la rubrique “invité” du quotidien “Le Nouvelliste”
“Le gémissement de la carotte. Ouf! Nous pourrons continuer à manger de la salade! Mais donner un coup de pied à un pissenlit au bord du chemin est devenu un acte moralement répréhensible, au motif qu’il ne respecte pas «la dignité des plantes». Ce n’est pas ici l’avis d’un farfelu un peu dérangé, mais la conclusion du croustillant rapport d’avril 2008 élaboré par la «Commission fédérale pour la biotechnologie dans le domaine non humain», qu’on espérait quand même un peu plus sérieuse. Surtout que ce sont nos impôts qui financent de telles balivernes. Comment en est-on arrivé à un tel degré de lévitation sous couvert de science et d’éthique? Si on étudie de près l’argumentation assez technique de ce rapport, on constate que sa «cohérence» repose en fait sur un faux présupposé. Un peu comme un tireur qui, au départ, dévierait sa carabine: à l’arrivée, il manquerait complètement la cible. La conclusion est ici hallucinante à cause de l’erreur de départ que voici: la commission suppose, à tort, que l’éthique se réduit à une pesée d’intérêts. Manger de la salade se justifie, parce que l’intérêt de survie de l’homme prime l’intérêt de la salade à ne pas être détruite. Mais détruire sans raison un pissenlit pèse moins que la «dignité» du végétal. La discussion alambiquée de la commission est donc commandée par un faux problème qui se réduit en fait à une seule fausse question, posée tout au long du rapport: les carottes ont-elles une sensibilité au point de percevoir quelque chose comme du bien et du mal? Et comme la réponse semble positive, vous devez dorénavant vous inquiéter du gémissement de la carotte. Déjà on avait franchi ce pas pour les animaux: puisqu’ils peuvent souffrir, on leur suppose des droits et, à l’instar de Zurich, on engage alors un avocat des bêtes. Un nouveau pas vient d’être franchi dans la surenchère de l’absurde car, dit-on, les plantes aussi sont «capables de ressentir un dommage». Oh! les méchants, qui oublient que le pissenlit possède une «sensibilité» et donc des «intérêts propres» à faire valoir dans la balance! Un tel rapport signe la défaite de la pensée: d’une idolâtrie de l’homme supposé maître et possesseur de la nature, on tombe dans l’idolâtrie inverse, d’une nature prétendument investie de dignité. L’urgence consiste à réconcilier l’homme et la nature, en une attitude qui renoue avec le bon sens. Les paysans le savent bien, eux qui ont une meilleure éthique que les «experts» de Berne. Remarquez que ce n’est pas bien difficile.”
Et ci-dessous le billet humeur du jour de Vincent Pellegrini, sur le même sujet, toujours dans Le Nouvelliste
“Salades philosophiques. Les plantes peuvent se prévaloir d’une dignité intrinsèque et morale, a statué récemment la Commission fédérale d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non-humain (CENH). Concrètement: décapiter machinalement une fleur au bord de la route est désormais un acte condamnable aux yeux de la société… Nous voici passés à l’étape suivante de «l’écologie profonde». On efface peu à peu les barrières entre mondes végétal, animal et humain. C’est la confusion philosophique! Nos philosophes fédéraux en herbe se contredisent par ailleurs, puisqu’ils proclament la dignité intrinsèque du monde végétal tout en acceptant son bidouillage par la manipulation génétique. Et ils passent à côté de l’un des plus grands problèmes d’éthique sociale du siècle en éludant le débat autour du dépôt de brevets sur les végétaux. Lorsque les multinationales auront breveté tout ce qui peut l’être dans le monde végétal, la faim sera encore plus difficile à combattre sur cette planète. Dans une vision d’écologie chrétienne, par contre, on peut dire que la nature a une dignité intrinsèque comme créature de Dieu, mise au service de la beauté du monde et des besoins de l’homme. Le chrétien respecte la nature que lui confie Dieu en la gérant de manière responsable et en sachant bien qu’il n’y a pas similitude de dignité entre une plante et un animal et entre un animal et l’homme même si tous sont respectables. Bref, la philosophie réaliste et chrétienne distingue clairement les divers ordres de la création pour mieux les unir dans le dessein démiurgique.”
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