— Vincent Pellegrini @ 16:31
La revue chrétienne d’ouverture « Sources » (à Fribourg) publie dans son dernier numéro une série d’articles sur les relations entre le christianisme et l’islam. On y trouve, entre autres, un article intéressant d’un professeur d’université qui explique notamment : « Le Moyen Age espagnol a été élevé au rang de mythe, celui d’un paradis interreligieux et interculturel. Or si l’on entre davantage dans les détails de la réalité historique, le mythe d’une convivence pacifique entre musulmans, juifs et chrétiens dans l’Espagne du Moyen Age doit être mis en question. Ce que nous rencontrons est une convivence constamment menacée qui reposait sur la tolérance accordées aux minorités religieuses et culturelles par le bon vouloir de la majorité qui détenait le pouvoir. » De fait, alors que la proportion de musulmans était d’à peine 10% vers le milieu du VIIIe siècle dans cette région, elle atteint 80 % à la fin du XIIe siècle sous la domination des Almohades fondamentalistes d’Afrique du Nord. Et après des pogroms commis par les musulmans fondamentalistes, les juifs soumis à l’alternative émigration ou conversion à l’islam fuient pour la plupart – avec leurs savants des écoles de Séville, Cordoue et Lucena – vers l’Espagne chrétienne ou la France du Sud. Bref, le modèle de société de l’Espagne musulmane a toujours été celui d’une religion dominante avec deux religions tolérées au statut juridique bien défini. Et c’est ce modèle de convivence que reprendra l’Espagne chrétienne après la conquête de Tolède. Cette convivence prit fin vers 1500 avec l’expulsion par les chrétiens de ceux qui refusaient la conversion, dit l’article (expulsion totale des musulmans en 1609 sous Philippe III). La convivence ne fut pas durable car chacune des trois religions avait la crainte de perdre la pureté de la foi. La réalité est donc complexe. « La légende d’une Espagne – musulmane – tolérante et d’une Espagne chrétienne intolérante n’est pas crédible », explique d’ailleurs l’article érudit. Dans les deux camps, on a poussé de manière plus ou moins forte ou violente à la conversion. « Les trois religions ont connu une floraison culturelle et théologique, mais chaque société moderne ouverte est incomparablement plus tolérante que la Tolède médiévale ou l’Espagne musulmane ». Car « à cette époque la tolérance ne signifiait pas égalité sans discrimination et encore moins reconnaissance de l’autre dans son altérité ». Voir aussi sur ce sujet
Vincent PellegriniLe magazine L’Homme Nouveau avait consacré le 2 février 2008 un dossier à l’Espagne du temps où elle était musulmane. IL EN RESSORT QUE AL-ANDALUS CE N'éTAIT PAS LE BONHEUR POUR LES CHRéTIENS. “La perdida de Espagna” a commencé par la victoire des Arabes à la bataille de Guadalete en juillet 711. Et il faudra plus de sept siècles aux chrétiens pour achever la Reconquista (1492, avec la capitulation du sultan de Grenade). Et contrairement à ce que nous racontent des vulgarisateurs idéologisés et peu versés en histoire, ces siècles ne furent pas du tout un long fleuve tranquille menant au paradis perdu de l’harmonie entre civilisations musulmane et chrétienne, même s’il y eut quelques bonnes parenthèses. Les chrétiens espagnols soumis au joug musulman ont vécu comme ailleurs leur statut de dhimmitude, soit une liberté religieuse et une autonomie très relatives, sans oublier les discriminations. “Une relative paix accordée aux chrétiens n’a été de mise qu’au XIe siècle après l’explosion d’al-Andalus, l’Espagne arabo-musulmane, en une mosaïque de petite Etats en guerre les uns contre les autres: les taifas”, écrit Constance Rebat. C’était l’époque où les musulmans de Cordoue par exemple avaient besoin d’alliés chrétiens contre les Berbères et les Almohades puis les almoravides, tous fondamentalistes. Mais ce fut limité dans le temps, socialement et géographiquement. L’arrivée finalement victorieuse des Almoravides en 1086 et des Almohades en 1147, restaure un islam strict et la persécution des chrétiens (des musulmans émigrèrent même dans les royaumes chrétiens du Nord, explique Adeline Rucquoi). De fait, durant les siècles de l’occupation musulmane de l’Hispanie, les rapports entre chrétiens et musulmans se font surtout dans le fracas des armes. Il y eut certes quelques embellies dans l’Hispanie maure et mozarabe, comme la renaissance de Séville au XIIe siècle et Averroès, mais il y eut surtout un choc des civilisations qui se poursuit aujourd’hui sur d’autres théâtres d’opérations… L’islam n ‘a en effet pas encore réglé ses problèmes avec le christianisme.
Vincent Pellegrini
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