26 janvier 2009
Vincent Pellegrini @ 11:37
Il faut admettre en cette affaire que le pape Benoît XVI est tenace. Depuis vingt ans, il cherche en effet à ramener dans le giron de l’Eglise officielle les traditionalistes. En 1988, alors qu’il était encore cardinal préfet de la Congrégation de la foi, il avait réussi le tour de force de faire signer à Mgr Lefebvre un accord dans lequel le prélat dissident admettait implicitement accepter le Concile Vatican II interprété à la lumière de la Tradition. Le point 2 de l’accord du 5 mai 1988 (qui avait été explicité lors de dialogues théologiques) disait en effet: “Nous déclarons accepter la doctrine contenue dans le numéro 25 de la Constitution dogmatique Lumen Gentium du concile Vatican II sur le Magistère ecclésiastique”. Le point 3 ajoutait cependant: “A propos de certains points enseignés par le Concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit, et qui nous paraissent difficilement conciliables avec la Tradition, nous nous engageons à avoir une attitude postive d’étude et de communication avec le Siège apostolique, en évitant toute polémique.” Restait ensuite à déterminer ce qui était dogmatique ou pastoral dans le Concile Vatican II… Le point 4 de l’accord signé par Mgr Lefebvre disait encore: “Nous déclarons en outre reconnaître la validité du sacrifice de la messe et des sacrements célébrés avec l’intention de faire ce que fait l’Eglise et selon les rites indiqués dans les éditions typiques du Missel romain et des Rituels des sacrements promulgués par les papes Paul VI et Jean-Paul II.” Mais la réintégration des traditionalistes avait cependant finalement échoué par absence d’accord sur le(s) nom(s) et sur la date de consécration du(des) successeur(s) de Mgr Lefebvre. Vingt ans plus tard, Benoît XVI essaie de réitérer d’une certaine manière le même «coup». Lui, le pape de la «réforme de la réforme», espère amadouer les jusqu’au-boutistes de la contre-réforme catholique contemporaine. Il faut bien le reconnaître, c’est Benoît XVI qui a fait jusqu’ici toutes les concessions de manière unilatérale. Ce que les évêques suisses qualifient de main tendue est sans doute la dernière perche de salut que le pape tend aux traditionalistes qui n’ont fait jusqu’ici aucune concession sérieuse. C’est pourtant une lettre de Mgr Bernard Fellay (supérieur de la Fraternité Saint Pie X) qui a fait en décembre dernier office de repentance et provoqué le geste du pape. Le prélat traditionaliste y réitérait son attachement au magistère et à la primauté du pape. C’est tout ce que l’on sait.
La levée des excommunications a été saluée de manière contrastée dans le monde catholique. Le courant plus progressiste y a vu un grave retour en arrière. Il est vrai que l’acte pontifical est symbolique d’une volonté de faire cesser la querelle des anciens et des modernes sans donner raison ni aux uns ni aux autres. Peut-être pour dépasser tout cela. La Conférence des évêques suisses, par Mgr Kurt Koch, «espère une réconciliation». En fait, cette levée d’excommunication ne fait qu’ouvrir des discussions pour un éventuel accord de réintégration d’Ecône dans l’Eglise officielle. Or, Ecône reconnaît la validité de la nouvelle messe mais pas sa licéité et comme l’a redit ce week-end Mgr Bernard Fellay émet toujours des «réserves» sur le Concile Vatican II (réserves déjà formulées dans l’accord de 1988 et sur lesquelles portera le long dialogue théologique qui va débuter entre Rome et Ecône). Le consensus théologique sera semble-t-il difficile à trouver si les deux camps ne se limitent pas aux formules basiques du credo. C’est en tout cas le tout début d’un chemin qui ne débouchera donc pas forcément sur une réconciliation. D’autant plus que durs (par exemple Mgr Williamson) et moins durs (par exemple Mgr Fellay) ne font pas toujours chorus dans le mouvement traditionaliste. Après les incroyables concessions de Benoît XVI, Ecône devra cependant choisir une fois pour toutes s’il veut ou non une place dans l’Eglise.
Vincent Pellegrini
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