L’art contemporain peine à atteindre le sacré
Classé dans : Catholicisme — Vincent Pellegrini @ 23:14
Boris Lejeune signe dans le dernier numéro de la revue Catholica une excellente critique sur une conférence de Carême de Notre-Dame de Paris de février dernier consacrée aux rapports entre art contemporain et sacré. Il explique notamment: “Hélas, on sait bien que le mot sacré inclut maintenant dans le continuum social une quantité de phénomènes et d’actions qui n’ont pas le moindre rapport avec la religion chrétienne: ils y sont même le plus souvent opposés.”
Le microcosme de l’art contemporain croit toujours comme au temps du symbolisme-romantique, que l’artiste est un prophète des temps nouveaux qui révèle au simple quidam ce qu’il ne peut pas voir: le Ciel. Que le poète ou le peintre sont les seuls à pouvoir lire certains signes… Bref, aujourd’hui encore, la famille de l’art contemporain utilise pour les foules l’image de l’artiste nécessairement saint et mystique. L’avant-garde picturale née au début du XXe siècle a d’ailleurs codifié ses lois comme les dogmes d’une religion. “Dans ces années se mettent en place les règles de la nouvelle esthétique auxquelles les générations suivantes se tiendront soigneusement les unes derrière les autres”, explique Boris Lejeune. Mais le refus complet du processus pictural traditionnel suffit-il à faire un art? Non, dit le bon sens… L’art contemporain se veut finalement assez primitif. Et ses peintres-thuriféraires conceptualisent au mieux l’inconnaissable-Eternel qui ne se voit dans leurs peintures qu’au prix d’une exégèse parallèle savante. Pour Malévitch par exemple, “la religion qui a eu la révélation de Dieu a eu la révélation du zéro”. On est encore très loin du monothéisme et d’un Dieu personnel avec qui l’on peut avoir une relation. Boris Lejeune décrit ainsi la vie moderne qui donne son image à l’art tout aussi moderne comme dans un miroir, en citant Pavel Evdokimov: “L’existence ultramoderne ne connaît ni l’Avènement, ni l’accroissemement de l’être, ni la succession progressive des événements, mais recèle une coexistence de brisures, d’éclats qui se recouvrent l’un l’autre sans lieu ni suite ordonnée. La durée orientée fait place au simultanéisme, à l’instantéisme, au futurisme, et se rétrécit en une pseudo-eschatologie du retour à l’élémentaire.” L’art contemporain est trop souvent cette pseudo-eschatologie du retour à l’élémentaire, qu’on l’appelle la forme (informe), la couleur pure ou autre chose… En fait, l’art moderne tout entier est basé sur un nouvel iconoclasme… Et il ne permet donc pas d’entre-apercevoir le visage de Dieu. Boris Lejeune conclut d’ailleurs son article ainsi, fort à propos car c’est aux fruits de spiritualité qu’on juge un art se prétendant sacré: “Ni les sanitaires de Duchamp, ni les innombrables objets de l’Art contemporain placés dans de magnifiques églises, témoins d’un grand passé, du génie des générations précédentes, ne porteront à s’incliner dans une prière silencieuse en attente d’un miracle…”. Le miracle, c’est ce qui manque finalement le plus à l’art contemporain dit religieux….
Vincent Pellegrini
P.S. Il y a bien sûr de notables exceptions à ce que j’ai écrit ci-dessus car il existe encore, heureusement, des artistes d’aujourd’hui capables de transcender leur temps et les modes pour peindre l’Invisible.
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