vendredi 14 janvier 2011

Brève histoire de l'ancienne messe

 Vincent Pellegrini 

Comme il est souvent question dans ce blog de la messe selon le rite extraordinaire (ancienne messe en latin, dite tridentine, célébrée de manière universelle dans l’Eglise catholique romaine jusqu’en 1969), je vais essayer de montrer l’extraordinaire ancienneté de cette messe du rite latin à partir d’une étude que j’avais faite à l’époque. Cette antiquité explique que Benoît XVI veuille garder pour les fidèles qui le désirent la possibilité d’accéder à ce trésor liturgique. Le but n’est d’ailleurs pas d’opposer cette messe ancienne à la forme ordinaire du rite latin (nouvelle messe). Au contraire.
L’Eglise a toujours fait remonter l’institution des principaux rites de la Messe aux temps apostoliques. Ainsi, Saint Basile affirme en conformité avec les Pères, que les paroles de la Consécration sont celles-là mêmes qui ont été prononcées par Jésus-Christ. Quant au canon romain (partie centrale de la messe ou Canon 1 qui peut aussi être dit avec la nouvelle messe), la tradition l’a attribué également aux Apôtres de manière assez substantielle, ainsi que l’expliquent par exemple Saint Augustin et le pape Vigile. On imagine mal, par ailleurs, que le Christ soit resté durant quarante jours avec ses disciples – avant son Ascension – sans leur parler de la manière de célébrer la messe. D’ailleurs, les Apôtres ont tous commencé ensemble la liturgie puisqu’ils ont vécu ensemble jusqu’aux premières persécutions. La liturgie romaine plonge ses racines jusque dans les temps apostoliques et c’est elle qui a influencé ensuite les rites orientaux que j’aime d’ailleurs beaucoup. Il est aujourd’hui téméraire de vouloir reconstituer les textes de la messe primitive car aux débuts de l’Eglise la loi de l’arcane interdisait la publication des formules rituelles. Cette publication ne se fit que bien plus tard, lorsque l’Eglise sortit de son silence, après l’édit de Constantin (313). Au début du Ve sièce environ, apparaît le plus copieux et le plus ancien sacramentaire; recueil des textes de la Messe, de la façon de célébrer, du bréviaire, du Pontifical et des textes de l’administration des sacrements: c’est le sacramentaire léonien dont la messe ancienne que nous connaissons aujourd’hui (messe avec les rubriques de Jean XXIII) est assez proche, ce qui est remarquabe. En fait, le pape Léon n’avait ajouté que deux choses dans la deuxième partie du canon: à savoir les formules « hanc immaculatam hostiam » ainsi que « sanctum sacrificium. » Puis viendront les sacramentaires gélasien, recueil de liturgie romaine importé dans les Gaules, et grégorien, du pape Grégoire 1er dit le grand élu en 590 dont la plus grande partie est bien sûr antérieure au pontificat de ce pape. Dans ce dernier sacramentaire on trouve le missel romain presqu’en tous points tel qu’il est aujourd’hui tandis que le canon subit alors son dernier ajout jusqu’à Jean XXIII (pape Roncalli, mort à l’aube du Concile Vatican II) avec cette formule de la prière du hanc igitur « diesque nostros in tua pace disponas ». Ce sacramentaire grégorien, avec la messe qu’il contient, sera propagé par la France qui l’avait déjà fait pour le gélasien, grâce surtout au concours très actif de l’ordre bénédictin. Grégoire le grand atteste d’ailleurs que ses innovations dans la messe ne furent rien d’autre qu’un retour aux plus pures traditions romaines (« in nullo aliam eccesiam secuti sumus »). Désormais, seules vont se perfectionner jusqu’au XI e siècle qelques prières comme celles de l’offertoire et de la communion. Bientôt cependant, va commencer une période de déclin et d’altération qui mettra en danger cette merveilleuse unité liturgique de la chrétienté latine et qui obligera les érudits du Concile de Trente à débarrasser le missel romain de beaucoup d’additions et messes du Bas Moyen Age, éléments médiévaux tardifs qui défiguraient l’harmonie des lignes du grandiose monument liturgique érigé par les Pontifes romains jusqu’au VII e siècle. La messe dite tridentine est donc en réalité une oeuvre de restitution de la messe antique qui a été menée à bien sous le pontificat de Pie V (d’où aussi le nom de messe de Saint Pie V). Cette messe fut promulguée par la très solennelle bulle « Quo primum tempore » qui canonise et impose définitivement « le missel restitué à la règle antique et au rite des Saints Pères » selon l’expression même de ce pape. Le Saint Sacrifice était ainsi dès lors en très grande partie fixé dans sa forme définitive et l’on peut même dire pour l’éternité car la messe tridentine n’a jamais été abolie et elle a même fait l’objet par Benoît XVI d’un motu proprio qui en libéralise l’usage. C’est le trésor de la Tradition et le joyau de l’action du Saint Esprit dans l’Eglise à travers les siècles. Y retourner, comme nous y encourage le pape, c’est aussi mieux comprendre les racines de la nouvelle messe, car il n’y a qu’un seul rite latin sous deux formes (ordinaire et extraordinaire), comme l’a expliqué Benoît XVI.
Vincent Pellegrini

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire