INTERVIEW
Livre. Un prêtre valaisan trace des chemins d’espérance contre l’angoisse et la dépression.
Propos recueillis par Vincent Pellegrini
Les Editions des Béatitudes ont publié récemment le livre d’un prêtre valaisan, Joël Pralong, curé dans le secteur paroissial de Nendaz. Il est intitulé «Angoisse, dépression, culpabilité» et sous-titré «Un chemin d’espérance avec Thérèse de l’Enfant-Jésus». L’ouvrage est préfacé par le cardinal Henri Schwery. Notre interview.
Joël Pralong, pourquoi avez-vous écrit ce livre qui traite de la dépression et de l’angoisse?
C’est un thème que j’ai toujours voulu traiter car j’ai eu une formation et j’ai fonctionné comme infirmier en soins psychiatriques avant d’entrer au séminaire. Or, dans mon travail d’infirmier, j’ai vécu la frustration de voir en quelque sorte la psychiatrie moderne réduire l’âme humaine. Je veux parler de la réduction de l’âme à ses seules perceptions. Je me suis dit aussi que dans la psychiatrie moderne, telle que je l’ai vécue, Dieu était le grand absent. J’avais en outre l’impression que l’on oubliait un peu qu’il y a toujours une capacité d’aimer et d’être aimé derrière chaque patient. Il y a une partie profonde de l’être que la maladie n’atteint pas. Et il y a dans toute âme quelque chose de plus grand qui dépasse tout.
Mais vous reconnaissez quand même l’existence de la dépression...
Bien sûr qu’elle existe et il faut accepter qu’elle soit traitée médicalement, mais il faudrait aussi creuser du côté du spirituel pour aider la personne à aller mieux. Il faut sonder ce qu’est l’homme pour une rencontre entre les dimentions spirituelles et psychologiques.
Quelle est la différence au fond entre le psychothérapeute et le prêtre ?
C’est une vaste question car le prêtre et le psychothérapeutes ont deux regards complémentaires. Voyons un aspect des choses. Le thérapeute renvoie le patient à lui-même en le poussant à plonger dans son passé pour qu’il trouve lui-même les raisons de son mal-être. Il ne donne pas une solution toute faite et ne se prononce pas non plus sur la responsabilité morale. Disons que la psychothérapie aide à se libérer des comportements et des modèles erronés acquis. Par contre, dans la démarche sacramentelle, il y a trois personnes: le pénitent, le prêtre et Dieu. Le prêtre écoute le pénitent ou le fidèle dans une attitude d’accueil et de compassion. Mais loin de le fixer sur son passé, il l’invite à se tourner vers un Autre, en l’occurrence Dieu, qui pardonne et tire un trait sur le passé. Le prêtre nourrit l’espérance au présent.
Mais pourquoi lier dépression et spiritualité ?
On ne peut pas nier que la dépresssion soit responsable du délabrement d’êtres très attachants. Il faut même dire aux personnes dépressives de bien prendre leurs médicaments. Mais il y a aussi quelque chose à travailler du côté spirituel pour aider les personnes à aller mieux. Viktor Frankl disait que dans les camps nazis les personnes ayant la foi tenaient plus longtemps sans sombrer dans le désespoir. Par la suite, des études ont pu démontrer que la religion est une aide puissante pour soutenir les gens au quotidien. Un quart des dépressions nerveuses sont d’origine existentielles. Elles émanent d’une société suffisante ou les personnes souffrent d’un manque de sens et de but ultime.
On trouve tout au long de votre livre l’exemple de sainte Thérèse de Lisieux (sainte Thérèse de l’Enfant Jésus). Voulez-vous dire qu’elle était dépressive ?
Oui, la petite Thérèse a sombré vers l’âge de 13 ans dans une maladie à caractère psychiatrique. A tel point qu’à un moment donné on l’a crue perpétuellement perdue. Elle a fait une sorte de dépression. Dans ce livre je montre qu’elle a réussi à dépasser cette maladie non seulement grâce à la médecine et à la compassion des gens qui l’entouraient, mais aussi grâce à Dieu. Sainte Thérèse n’a jamais guéri complètement de ses angoisses, mais il lui a été possible de les assumer dans un amour plus grand, non plus comme une fatalité, mais comme le lieu même de la rencontre entre la force divine et la faiblesse humaine pour dire avec saint Paul: «Je peux tout en Celui qui me rend fort ». Dieu est aussi venu sortir de son trouble sainte Thérèse.
Vous voulez parler de la «petite voie» de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus?
Oui. Cette «petite voie» c’est s’accepter tel qu’on est. Et que l’on ne peut donc pas faire plus que ce qu’on est. Que Dieu nous aime tels que nous sommes. La petite voie est une voie d’acceptation, de confiance et d’abandon malgré l’angoisse. Se dire qu’on est dans les mains de Dieu et faire tout ce que l’on peut avec un maximum d’amour. La présence de Dieu vient ainsi apaiser le psychisme qui souffre. Souvent dans la dépression il y a une dévalorisation de soi qui finit par un dégoût de soi. La culpabilité est également très destructrice. Même le sentiment de culpabilité, s’il est selon Dieu, nous fait regarder Dieu et nous prépare au pardon. Et dans l’angoisse, sans Dieu, on ne voit plus que son échec.
Mais l’angoisse et le sentiment de culpabilité touchent une foule de gens. Que doivent-ils faire? Prier?
Comme je vous l’ai dit, lorsque le sentiment de culpabilité et l’angoisse deviennent trop forts, il faut se faire aider par un psychiatre. Tout notre être s’appuie sur la pierre angulaire aimer et être aimé. L’angoisse fondamentale, plus ou moins consciente, d’être rejetés ou exclus menace notre équilibre. Jusqu’à nous jeter parfois dans la culpabilité morbide, le désespoir et la dépression, voire le suicide. Mais Thérèse de Lisieux, la plus grande sainte des temps modernes, qui a connu elle aussi des nuits d’angoisse et de dépression se heurtant au non-sens de la vie a été rattrapée par Dieu au creux de cet abîme. Par son amour puissant, il l’a maintenue à la surface. C’est ce que j’ai voulu montrer dans ce livre. J’ai par ailleurs prévu de faire paraître aux éditions des Béatitudes un petit complément pratique pour combattre ses pensées négatives.
merci pour cet article qui m'a fait monter les larmes aux yeux
RépondreSupprimerVincent nous est revenu...Quelle joie, avec comme toujours, des textes choisis avec soin, bien commentés. Merci et bon vent pour ce retour aux "affaires"
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