dimanche 20 février 2011

Un itinéraire mauricien en Italie


PÈLERINAGE Un projet prévoit l’établissement d’une voie dédiée à saint Maurice d’Agaune, comme pour la Via francigena. A Domodossola, un centre d’études se consacrera même à l’étude de ce saint martyrisé en Valais.


Par Vincent Pellegrini

Le culte de saint Maurice et de ses compagnons
martyrs de la légion thébaine est très
répandu dans le nord de l’Italie. Ce culte est
particulièrement dense dans les régions
frontières avec la Suisse, ainsi que dans les
alentours de Cuneo, de Turin et de Milan. A
noter qu’en Lombardie, le saint patron de
Bergame, Alexandre, était un vexillaire
(porte-étendard) de la légion thébaine.
Mais il est vénéré plutôt comme premier
évêque de la ville que comme compagnon
du saint martyr et chef de légion Maurice.
En fait, tout comme il y a une Via francigena
(la route principale de pèlerinage allant
du nord jusqu’à Rome au Moyen Age
dont le parcours est remis à l’honneur aujourd’hui),
l’on peut aussi dessiner un «itinéraire
mauricien» en Italie. Adriano Antonioletti
Boratto, conservateur de l’église de
Saint-Barthélémy de Bannio, y travaille. Il a
décrit son projet lors du colloque international
sur saint Maurice qui s’est tenu cette
semaine à Besançon et à l’abbaye de Saint-
Maurice (voir pages 2 et 3). Et il a annoncé
qu’un centre d’études mauriciennes allait
même naître à Domodossola.
Du Gothard à Milan
Adriano Antonioletti Boratto a expliqué
lors du colloque que la plupart des fondations
mauriciennes (là où saint Maurice
est honoré, soit par exemple environ 80
églises dans le Piémont), tendent à se
concentrer tout au long de deux axes très
clairs. «Le premier axe suit la route impériale
de l’Allemagne jusqu’à Milan par le col
du Gothard. Son point crucial est la ville de
Bellinzone (Saint Maurice du Monte Carasso).
De cette église qui constitue le pivot
de l’itinéraire, on descend vers Lugano et
Milan.» Pourquoi Milan? Dans cette ville,
l’église de saint Maurice est bâtie sur les
ruines du palais de l’empereur Maximien
qui fit décimer la légion thébaine. On ajoutera
que cette église renaissance abrite
aussi une relique spéciale puisqu’il s’agit
du sang du primicier de Dieu martyrisé aux
portes d’Agaune. Et l’on notera au passage
qu’à Angers, dont la cathédrale est dédiée à
saint Maurice, les manuscrits disent que
saint Martin a également ramené d’Agaune
des ampoules à demi pleines de sang de
saint Maurice qu’on retrouve au XIIe siècle
à Tours, Candes et Angers.
Cette première route a un sous-itinéraire
qui va du Monte Carasso au lac Majeur
et traverse le pied des montagnes
jusqu’à Turin. Après Locarno, un autre
sous-itinéraire nous dirige vers l’Ossola,
siège de fondations mauriciennes importantes
(Vallemagia, Re, Villadossola, Gravellona
Toce) avant de repartir vers Turin le
long des rives du lac d’Orta.
Du Grand-Saint-Bernard à Turin
Le deuxième axe qui permet de redécouvrir
un chapelet d’églises dédiées à
saint Maurice d’Agaune descend logiquement
par le col du Grand-Saint-Bernard
sur Aoste pour se diriger vers Turin. Le raccordement
avec la branche provenant de
l’Ossola se fait dans la région d’Ivrea par
Biella, explique Adriano Antonioletti Boratto.
Il ajoute que Turin garde deux reliques
vénérées du saint commandant de la
Légion thébaine, soit «une partie de son
corps et son épée présumée». «Puis vient la
région de Cuneo et celle de Mondovi (le
Monregalais), en particulier, qui honorent
les légionnaires de Maurice dans presque
tous les lieux de leur vaste territoire. Deux
d’entre eux sont dédiés au commandant de
la Légion: Roccaforte Mondovi et Castelnuovo
di Ceva.» A Imperia, la tradition dit
qu’une apparition de saint Maurice et de
ses compagnons sur les remparts de la ville
assiégée a mis en déroute les Sarrasins. Sur
le sommet du Parrasio fut ainsi édifiée une
église votive en l’honneur du commandant de la Légion thébaine et de ses compagnons. Reconstruite à l’époque baroque, la basilique est aujourd’hui le plus vaste monument
religieuxde Ligurie.
Un parcours étonnant
En continuant à étudier ces fondations mauriciennes, Adriano Antonioletti Boratto a constaté qu’elles sont
placées dans des lieux dominants et sur des
sites ensoleillés, entourées de vastes panoramas.
La voie mauricienne constitue donc
un parcours cultuel et culturel idéal. Châteaux,
abbayes et monastères ponctuent ce
chemin qui fut très parcouru à partir du Xe
– XIe siècle. Beaucoup d’églises sur ce parcours,
même si elles ne sont pas forcément
dédiées à saint Maurice, représentent sa figure
ou son martyre dans leurs éléments
décoratifs. Les lieux dédiés à saint Maurice
sont en outre restés très festifs du point de
vue des célébrations religieuses.
Un centre d’études
Bref, la présence de Maurice est tellement
dense en Italie du Nord, qu’Adriano
Antonioletti Boratto et ses amis ont mis sur
les rails, avec l’accord de l’abbaye de Saint-
Maurice, un «Projet saint Maurice dans le
but d’actualiser et de coordonner, pour ce
qui est de l’Italie, les études relatives aux
saint martyr et à ses compagnons.» Le chercheur
nous a expliqué jeudi que ce centre
international d’études mauriciennes sera
ouvert bientôt à Domodossola. Un site internet
fera par ailleurs écho à ces recherches
à l’adresse www.conservatoriabannio.
it. Journées d’études et colloques sont
également prévus. Ce projet Maurice prévoit
enfin le balisage de la voie mauricienne
avec une signalisation appropriée.
Diverses actions sont fixées pour 2015, décrétée
«année mauricienne européenne».
Comme on le voit, Maurice reste plus que
jamais un saint trop grand pour le seul Valais.


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