Le Saint-Suaire de Turin
ÉNIGME L'an dernier a eu lieu à Turin l’ostentation du linceul qui a selon la tradition enveloppé le Christ après sa crucifixion. Réflexions sur la plus mystérieuse relique de la chrétienté.
Par VINCENT PELLEGRINI
C’est l'an dernier qu'a eu lieu à Turin
l’ostentation du Saint-Suaire
qui a selon la tradition enveloppé le
corps du Christ après sa mort.
Cette exposition ouverte à tous les
fidèles qui ont réservé leur passage
(renseignements sur www.sindone.
org) durait jusqu’au 23 mai à la
cathédrale de Turin. La dernière ostentation
a eu lieu en 2000. Lors du
festival Jesus’Town,
Soeur April de la Communauté
des Béatitudes a fait un exposé sur
le Saint-Suaire. C’était dans la salle
de la communauté, à Venthône (Valais-Suisse), où
est visible de manière permanente
une exposition complète sur le linceul
de Turin avec des reproductions
en grandeur nature de cette
relique. D’innombrables études
scientifiques ont été faites sur le
Suaire et une discipline propre – la
sindonologie– a même vu le jour.
Cet article se base sur la conférence
donnée par Soeur April et sur diverses
publications.
Photographie de la Passion
Le Saint-Suaire est en soi une
image saisissante car il est une
sorte de photographie de la Passion
du Christ. Apparaissent ainsi
sur la toile de lin des centaines de
blessures dues à la flagellation, aux
coups, au couronnement d’épines,
au portement de croix, à la crucifixion,
etc. Les traces d’écoulement
du sang prennent les mêmes directions
que chez quelqu’un qui aurait
été élevé en croix que ce soit à la
tête ou sur les bras, allant jusqu’à
respecter la forme de la contraction
des muscles. Tous les détails s’avèrent
anatomiquement exacts,
comme par exemple la meurtrissure
au talon car le Christ devait
s’appuyer sur la croix et les clous
pour pouvoir respirer, etc. Ou encore
le fait que les clous aient été
enfoncés dans les poignets et non
dans les mains (contrairement à ce
que croyait le Moyen Age), et qu’un
nerf important ait ainsi été sectionné:
d’où la rétraction automatique
du pouce et le fait qu’on ne
voit que quatre doigts, dans chaque
main, sur le suaire. De plus,
l’origine des écoulements de sang
correspond à chaque fois à la présence
de veines. «Le Suaire n’est pas
une preuve de la Résurrection, mais
un signe pour aller à la rencontre du
Ressuscité. La paix et l’amour que
l’on découvre avec saisissement sur
le visage du Saint-Suaire, voilà le
vrai signe qui nous a été laissé», a
conclu samedi Soeur April.
Détails troublants
L’homme crucifié dont l’image
(de face et de dos) apparaît sur le
suaire qui l’enveloppait entièrement
n’était pas de type européen.
Son suaire était casher car il n’est
pas mélangé de laine et de lin par
exemple. L’homme supplicié n’a
pas bénéficié d’une purification rituelle
après sa mort –son sang n’a
pas été essuyé sur son corps – alors
que ce rituel était minutieux et très
important pour les juifs. Cela s’explique
par le fait qu’à cette époque
une mort violente et indigne privait
–selon la loi juive– de purification.
Sur le Suaire on a retrouvé des pollens
de plantes de la région de Jérusalem.
Le traitement informatique
et tridimensionnel de l’image a révélé
les traces de pièces de monnaie
(sur une paupière et sur une
arcade sourcilière) avec une forte
probabilité qu’il s’agisse de pièces
du temps du Christ, ont affirmé des
spécialistes. Par ailleurs, dès le VIe
siècle au moins, l’iconographie
chrétienne s’inspire manifestement
du visage de l’Homme du
Suaire (et jusqu’à la position des
pieds à des hauteurs différentes
dans les représentations de la crucifixion).
Sans oublier les dessins du codex
de Pray, datés avec précision de
1192-1195 (100 ans avant la datation
donnée par l’analyse du Carbone
14), qui montrent un Christ
avec des pouces rétractés, ainsi que
des détails précis du tissu que l’on
ne retrouve que sur le linceul actuel.
La trop parfaite tridimensionnalité
du Suaire exclut toute possibilité
d’intervention manuelle
dans la formation de l’image, ont
expliqué les spécialistes à l’aide des
méthodes les plus modernes. Et
l’image n’a pas été faite avec des
pigments ou des colorants. L’analyse
informatique exclut enfin tout
traitement directionnel, du genre
de celui que trahit immanquablement
l’usage d’un pinceau.
Le C 14 et le mystère
Même si l’analyse au carbone
14, en 1988, a fixé une
datation entre 1260 et 1390
pour un petit échantillon
subdivisé, la vingtaine de
congrès sur le Saint-Suaire
qui se sont déroulés depuis
vingt ans et qui ont présenté
l’évolution des travaux de
scientifiques de haut niveau
sur le linceul laissent la
question ouverte. Les sciences
autres que la datation
au carbone 14 ne contredisent
en effet pas l’authenticité
du Suaire, au contraire.
De plus, le protocole utilisé
pour la datation au C 14 est
aujourd’hui mis en doute au
sein de la communauté
scientifique, d’autres spécialistes
affirmant même
dans des articles publiés
dans des revues scientifiques
que l’échantillon prélevé
pour l’analyse au radiocarbone
entremêlait des fibres
plus récentes de coton
(sans doute du XVIe siècle)
et les fibres antiques de lin.
Ils se basent notamment sur
l’examen d’une partie de
l’échantillon prélevé en 1988
et qui avait été laissé de
côté. Cette thèse a été défendue
samedi dernier dans
un documentaire de Michael
Epstein sur le suaire diffusé
par la chaîne TVArte.
Conclusion dudit documentaire
d’Arte qui s’appuyait
sur des études scientifiques:
c’est au plus mauvais endroit
du Suaire qu’on a prélevé
l’échantillon pour la datation
au C 14, «dans un coin
endommagé du linceul».
Il faudrait aussi selon nombre
de spécialistes tenir
compte des multiples et importantes
contaminations
physiques, chimiques, biologiques
qui ont marqué la
longue et tumultueuse histoire
du linceul.Actuellement,
en fait, seules les parties
brûlées du suaire lors
de l’incendie de 1532 à
Chambéry pourraient
constituer un matériau en
carbone suffisamment pur
pour effectuer une datation
au C 14, notamment à cause
des produits utilisés depuis
2000 pour conserver le
tissu.
De plus, si la datation qui a
été faite au carbone 14 est
exacte, cela signifie que le
faussaire du Moyen Age a
volontairement intégré certains
détails renforçant l’authenticité
et ne pouvant
pourtant être rendus visibles
qu’avec des techniques
du XXe siècle (programmes
informatiques, microscopes,
photographies à fluorescence
ultraviolette, etc.).
De fait, si les scientifiques
ont trouvé des traces de
sang (type AB) sur le suaire,
ils sont toujours incapables
d’expliquer la formation du
reste de l’image. Tout au
plus peuvent-ils dire qu’elle
est due à une «oxydation
déshydratante de la cellulose
des fibres superficielles
du tissu». L’épaisseur de
l’effet se calcule en effet en
microns... Et toutes les tentatives
de dupliquer le
suaire en laboratoire n’ont
pas permis d’obtenir des caractéristiques
physico-chimiques
identiques à celles
du Saint-Suaire dès que l’on
va un tant soit peu dans le
détail.
«La paix et l’amour que l’on découvre
avec saisissement sur le visage
du Saint-Suaire, voilà le vrai signe
qui nous a été laissé» SOEUR APRIL
COMMUNAUTÉ DES BÉATITUDES, À VENTHÔNE
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