Nicolas de Flüe. Pour de nombreux pèlerins et patriotes suisses, le Flüeli-Ranft où vécut le saint ermite reste le centre spirituel et originel de notre système politique.
Par Vincent Pellegrini
Le lieu le plus sacré de l’âme collective suisse se découvre dans un petit vallon sauvage et encaissé d’Obwald qui contient les fureurs de la rivière Melchaa. Comme par hasard cette commune est aussi le centre géographique de la Suisse. A un jet de pierre de cette onde grondante, s’élève la petite chapelle enserrant la cabane de bois de «Bruder Klaus». Nous sommes au Ranft, au-dessus de Sachseln et du lac de Sarnen, là où vécut Nicolas de Flüe. Père et conscience de la patrie helvétique, il empêcha en 1481 quatre cantons villes et quatre cantons campagnards de se faire la guerre et fit aboutir par son message de paix le Convenant de Stans qui a fixé matriciellement l’architecture des rapports confédéraux jusqu’en 1798. C’est là aussi que le saint ermite ferma les yeux pour toujours en 1487.
Anachorète indicible
Il fut sans doute le dernier anachorète capable de rivaliser avec les antiques Pères du désert dans cet Occident qui quittait le Moyen Age. Il surpassa même les héros du désert de Thébaïde. En effet, non seulement il quitta comme eux sa famille humaine, eut des visions, prononça sous forme d’apopthegmes (sentences sapientielles courtes) la Vérité sur Dieu, lutta contre le démon, attira les foules qui cherchaient le conseil et la guérison, mais il jeûna en sus, nous disent ses contemporains, durant vingt ans dès l’âge de 50 ans, sans prendre de nourriture ni de boisson et se nourrissant de l’Eucharistie. Il réussissait toujours deux choses : consoler et ramener la paix.
« Bruder Klaus » est le saint oecuménique par excellence. Il suffit en effet de parcourir la littérature protestante pour se rendre compte que l’ensemble des communautés chrétiennes de ce pays ont reconnu en lui le frère en vie évangélique qui protège la patrie. L’aumônier du Flüeli-Ranft nous a confié que nombre de protestants venaient aujourd’hui se recueillir sur les lieux où vécut Frère Nicolas. Y compris des pasteurs réformés avec leurs confirmands.
Parcours initiatique
Aujourd’hui, plusieurs centaines de milliers de pèlerins suivent chaque année les étapes de la vie terrestre de Nicolas de Flüe qui fut canonisé en 1947 par le pape Pie XII. Dans l’église paroissiale de Sachseln se trouve, sous le maître autel et dans un gisant de bronze, le corps du saint protecteur de la Confédération. On peut y recevoir chaque jour la bénédiction donnée par le prêtre avec les reliques du saint. Sur la droite du chœur, le pèlerin peut voir aujourd’hui encore derrière une vitre la bure de Nicolas de Flüe qui fut confectionnée par son épouse Dorothée avec la laine de leurs moutons. Car Frère Nicolas, après vingt ans de vie commune avec son épouse, lui dit adieu ainsi qu’à ses dix enfants pour aller vivre sa vie d’ermite à dix minutes de la maisons familiale du Flüeli. Il était parti plus loin, mais le Seigneur l’arrêta en chemin et le fit revenir là. Il partit aussi avec l’accord de sa sainte épouse et alors que sa famille était à l’abri du besoin. Sinon on ne pourrait en faire un modèle de sainteté…
« Il eut des visions profondes »
Toujours est-il que saint Nicolas de Flüe fut un paysan aisé, un conseiller municipal, un juge et un officier de réserve avant de ne plus faire qu’un avec Dieu. Il suivit ainsi son être profond. Dès son enfance, il avait en effet des visions profondes. Des visions symboliques de la Trinité et de la Face divine qu’il décrivit pas des cercles concentriques et des rayons tantôt théocentriques, tantôt anthropocentriques. Une grande fresque d’époque dépeint à l’église de Sachseln ces visions mytérieuses et initiatiques de Frère Nicolas.
Chez Bruder Klaus
Un peu plus haut, au Flüeli, on peut visiter encore aujourd’hui la maison natale de Nicolas de Flüe et celle qu’il construisit pour sa famille. En sept minutes, on descend ensuite vertigineusement jusqu’à son ermitage du Ranft, qui a été conservé. Là, le natel ne répond plus et ne reçoit plus. Pour qui sait s’imprégner des lieux, les ondes viennent d’ailleurs…
Biographie express
Nicolas de Flüe
Ermite, après avoir été paysan, conseiller municipal, juge et officier de réserve.
1417 : naissance au Flüeli (Obwald)
1447 : il épouse Dorothée Wyss. Ils auront dix enfants.
1467 : D’entente avec les siens, Frère Nicolas se retire au Ranft pour y mener une vie de prière et d’ascèse dans son ermitage. Il conseille des gens venus de l’Europe entière.
1481 : le message qu’il fait porter à la Diète de Stans sauve les Confédérés de la guerre civile.
1487 : Mort de Nicolas de Flüe au Ranft
1947 : canonisation de Frère Nicolas.
Et l'hôtel de pèlerins à ne pas rater
Retour au « Jugendstil »
L’hôtel Paxmontana, au Flüeli-Ranft, dresse sa silhouette altière sur le Melchtal. Au départ du chemin qui mène en sept minutes à l’ermitage et à la chapelle de Nicolas de Flüe. Cet hôtel construit en 1896 et agrandi en 1905 a été récompensé par plusieurs distinctions en tant qu’hôtel historique car il incarne de manière parfaite le «Jugendstil ». Au rez-de-chaussée, ses salles de séjour restaurées avec le respect du détail vous ramènent au début du siècle. Comme si vous y étiez. Une mention spéciale pour l’extraordinaire ambiance – le soir – de l’interminable véranda-restaurant. Ici, pas de bruit. Et pas de télévision dans les chambres par exemple, mais l’internet dans le lobby pour les hôtes. Chambre pour une personne à partir de 115 francs et pour deux personnes à partir de 190 francs. Renseignements : www.paxmontana.ch
A visiter aussi
L’église paroissiale de Sachseln abrite depuis 1679 le tombeau de Nicolas de Flüe. Un reliquaire en argent qui contient le corps du saint a été placé sous le maître autel en 1974. La bure de l’ermite – confectionnée par son épouse Dorothée - est également montrée aux fidèles dans une armoire vitrée de la nef latérale.
Nicolas de Flüe bâtit sa maison au Flüeli-Ranft (on peut la visiter telle qu'elle était) lorsqu’il épousa Dorothée Wyss. Il y vécut vingt ans et lorsqu’il la quitta pour se retirer dans son ermitage, il avait dix enfants. En 1946, un an avant la canonisation de Nicolas de Flüe, on rendit à la maison son état originel. Un peu plus loin se trouve aussi la maison natale de Nicolas de Flüe.
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