NAISSANCE DU CHRISTIANISME Grande métropole chrétienne d’Afrique du Ier au VIIe siècle, la ville détruite puis reconstruite par les Romains a marqué très fortement l’histoire de l’Eglise.
QUELQUES DATES
Par VINCENT PELLEGRINI
En ces temps où l’on fête
la naissance du Christ, il
est intéressant de rappeler
que le christianisme
est né aux portes de
l’Afrique. Les cinq patriarcats
antiques du
christianisme parsèment
d’ailleurs le pourtour
méditerranéen,
souvent en terres devenues
musulmanes après
la conquête islamique. Il
faut en effet ajouter à
Rome et Jérusalem les
sièges d’Antioche,
d’Alexandrie et de
Constantinople.
On l’oublie trop souvent,
l’Afrique du Nord
fut l’un des berceaux florissants
de la chrétienté.
Et l’exemple d’une ville
comme Carthage, près
de la Tunis actuelle, est
emblématique de cette
histoire. Qui se douterait
aujourd’hui, en visitant
les multiples ruines
chrétiennes de Carthage,
que cette ville fut
l’un des principaux phares
de l’Eglise des premiers
siècles? Il reste en
effet peu de choses sur
les champs de fouille de
Carthage, hormis quelques
colonnes et murs.
On admirera par exemple
les ruines de la basilique
Damous el-Karita,
avec ses neuf nefs, et celles
de la basilique de
Saint-Cyprien, près de la
mer, sur le parvis de laquelle
le grand saint Augustin
prit congé de sa
mère Monique qui pleurait.
Depuis ce point, la
vue sur le golfe de Carthage
et ses montagnes
est toujours aussi belle
et pure que du temps de
l’auteur des «Confessions
».
Ville des conciles
On le rappellera,
prise par Scipion en 146
av. J.-C., Carthage fut totalement
détruite et entièrement
reconstruite
par les Romains sous le
nom de Junonia. Ressuscitée
par Auguste en
l’an 29 av. J.-C., Carthage
redevint rapidement
une ville aussi imposante
que somptueuse.
Et elle fonctionna surtout
durant sept siècles
(jusqu’en 698) comme
capitale et métropole incontestée
de l’Eglise
d’Afrique, statut confirmé
par l’Eglise de
Rome malgré la concurrence
d’Alexandrie.
C’est principalement de
Carthage, en tout cas,
que le christianisme
s’est répandu dans
l’Afrique du Nord.
Carthage connut ses
premiers martyrs en
180. Le célèbre apologiste
Tertullien, qui habitait
Carthage, explique
qu’en l’an 197 les chrétiens
de cette ville occupaient
déjà tous les postes
clés et formaient
presque la majorité de la
population.
Au 1er concile africain,
vers l’an 220 (il sera
suivi de bien d’autres),
une septantaine d’évêques
se réunirent à Carthage
pour traiter du
baptême des hérétiques.
Le début du IIIe siècle
voit le martyre à Carthage
des illustres saintes
Perpétue et Félicité
et de leurs compagnons
qui sont toujours cités
au canon (partie centrale)
de la messe. Une
petite chapelle est aujourd’hui
encore aménagée
dans l’amphithéâtre
romain de Carthage
pour perpétuer le
souvenir de ce martyre
et de nombreux autres.
La persécution de
Dioclétien (303-305)
provoqua aussi de nombreux
martyres à Carthage.
Le christianisme
devint juste après la religion
de l’Empire romain,
mais l’hérésie donatiste
entrava ensuite
l’essor du christianisme
africain durant un siècle.
On parle encore aujourd’hui
de la célèbre
conférence qui opposa à
Carthage, au début du
Ve siècle, 278 évêques
donatistes à 286 évêques
catholiques (120 avaient
été retenus chez eux).
Cela se passait dans les
thermes dits de Gargilius
dont on peut admirer
aujourd’hui encore
des colonnes. Le grand
saint Augustin, évêque
d’Hippone (aujourd’hui
en Algérie), qui a étudié
à Carthage et y a souvent
prêché, était présent à
ce concile où il a fait la
différence, battant à
plate couture dans la
dispute l’évêque Pétilien,
champion des donatistes.
Gloire et déclin
Les auteurs des premiers
siècles mentionnent
17 basiliques chrétiennes
à Carthage et
l’on peut encore en voir
aujourd’hui nombre de
ruines, même s’il ne
reste que quelques colonnes
et quelques
murs. L’écrivain Ausone
(310-395) écrivait que
Carthage n’avait de supérieure
que Rome et de
rivale que Contantinople.
Cela donne une indication
sur la grandeur
passée de cette métropole
chrétienne. Une
église carthaginoise qui
s’est relevée de la persécution
vandale (arianisme
dominant entre
439 et 533), et qui a pu
renaître avec la domination
byzantine (533-
698). En 534, il y avait
encore 217 évêques au
concile réuni à la basilique
de Faustus, toujours
à Carthage.
Mais en 698, c’est la
prise de Carthage par les
Arabes. La ville n’est pas
détruite et cela permet
au christianisme de perdurer
à Carthage en vivotant.
Peu à peu, cependant,
l’islam éteint
la flamme chrétienne.
En 1053, les provinces
africaines ne comptent
déjà plus que 5 évêques!
En 1076, il n’y a plus que
deux évêques. L’islam a
ainsi éradiqué le christianisme
de ce qu’on appelle
aujourd’hui la Tunisie.
L’évêque de Tunis
ne «règne» ainsi aujourd'hui plus
que sur 22000 catholiques,
essentiellement
des expatriés européens,
des étudiants et
des ressortissants africains.
Les chrétiens arabes
sont plutôt rares en
Tunisie, pays par ailleurs
très tolérant pour les autres
religions.
Visite à saint Louis
Et enfin, on ne quittera
pas le site de Carthage
sans visiter, sur la
colline de Byrsa (l’ancien
fort carthaginois),
l’ex-cathédrale catholique
de Saint-Louis. C’est
un extraordinaire édifice
de style néoromanmauresque
construit en
1890 sur le lieu même ou
le roi français saint Louis
mourut à la huitième et
ultime croisade (1270).
A l’intérieur, les effets
entrecroisés de l’architecture
et de la lumière
des vitraux sont
tout simplement magiques.
Repères
146 av. J.-C.: prise et
destruction de Carthage par
les Romains.
29 av. J.-C.: reconstruction
de Carthage.
IIe siècle: forte propagation
du christianisme.
439-553: occupation
vandale.
533-698: occupation
byzantine.
698: prise de Carthage
par les Arabes.
1270: échec de la dernière
croisade et mort du roi de
France Louis IX à Carthage.
Les ruines de la basilique Damous el-Karita
dominées par la grande mosquée qui
se dresse près du site archéologique de
Carthage. LE NOUVELLISTE
L’ex-cathédrale Saint-Louis à Carthage. LE NOUVELLISTE.
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