LITURGIE
Libéralisé par Benoît XVIe l’ancien rite a connu une évolution
homogène depuis les temps les plus reculés.
Histoire d’ancienne messe
VINCENT PELLEGRINI
En 2007, le pape créait la surprise
en libéralisant l’ancienne
messe en latin ou messe dans «la
forme extraordinaire» du rite latin,
la nouvelle messe de Paul VI
en 1969 étant le rite latin dans sa
«forme ordinaire». L’ancienne,
messe qui fut célébrée encore
durant le concile Vatican II, est
appelée aussi tridentine du nom
du Concile de Trente au
XVIe siècle qui suscita le retour à
une version plus ancienne et
plus pure de la messe. La messe
selon la forme extraordinaire fut
célébrée de manière universelle
dans l’Eglise catholique romaine
jusqu’en 1969 et elle est extrêmement
ancienne. Cette antiquité
et cette continuité expliquent
pourquoi Benoît XVI,
dans son motu proprio Summorum
Pontificum, veut garder
cette messe comme un trésor liturgique
de l’Eglise pour les fidèles
qui le désirent . Son but n’est
d’ailleurs pas d’opposer cette
messe ancienne à la forme ordinaire
du rite latin (nouvelle
messe) mais au contraire que les
deuxrites se fécondent mutuellement.
Pour certains observateurs
attentifs aux propos du
pape, nous n’en sommes qu’au
tout début de la «réforme de la
réforme liturgique». Le Vatican
va en outre sortir ce mois-ci une
instruction sur l’application du
motu proprio concernant l’ancienne
messe.
Aux temps apostoliques
L’Eglise a toujours fait remonter
l’institution des principaux
rites de la Messe aux temps
apostoliques. Ainsi, Saint Basile
affirme en conformité avec les
Pères, que les paroles de la Consécration
sont celles-là mêmes
qui ont été prononcées par Jésus-
Christ. Quant au canon romain
(partie centrale de la
messe avant et après la consécration)
ou Canon 1 qui peut aussi
être dit avec la nouvelle messe,
la tradition l’a attribué également
aux Apôtres de manière
assez substantielle. C’est du
moins ce qu’expliquent par
exemple Saint Augustin et le
pape Vigile. Quoi qu’il en soit, le
canon est très ancien.D’ailleurs,
les Apôtres ont tous commencé
ensemble la liturgie puisqu’ils
ont vécu ensemble jusqu’aux
premières persécutions.La liturgie
romaineplongedoncses racines
jusque dans lestempsapostoliques.
Il est aujourd’hui
téméraire de vouloir reconstituer
les textes de la messe primitive
car aux débuts de l’Eglise la
loi de l’arcane interdisait la publication
des formules rituelles.
Cette publication ne se fit que
bien plus tard, lorsque l’Eglise
sortit de son silence, après l’édit
de Constantin (313).
Remarquable continuité
Au début du Ve siècle environ,
apparaît le plus copieux et le
plus ancien sacramentaire; recueil
des textes de laMesse, de la
façon de célébrer, du bréviaire,
du Pontifical et des textes de
l’administration des sacrements:
c’est le sacramentaire léonien
dont la messe ancienne que
nous connaissons aujourd’hui
(ancienne messe avec les rubriques
de Jean XXIII) est assez
proche, ce qui est remarquable.
Enfait, le pape Léonn’avait ajouté
que deux choses dans la
deuxième partie du canon: à savoir
les formules «cette hostie
(ou victime) immaculée» ainsi
que «sacrifice saint». Puis viendront
les sacramentaires gélasien,
recueil de liturgie romaine
importé dans les Gaules, et grégorien,
du pape Grégoire 1er dit
le grand élu en 590 dont la plus
grande partie est bien sûr antérieure
au pontificat de ce pape.
Dans ce dernier sacramentaire
on trouve l’ancienne messe presqu’en
tous points telle qu’elle est
aujourd’hui, tandis que le canon
subit alors son dernier ajout jusqu’à
Jean XXIII (pape Roncalli,
mort à l’aube duConcileVatican
II) avec cette formule de la
prièreduhancigitur «Etdisposes
nos jours dans la paix».Ce sacramentaire
grégorien, avec la
messe qu’il contient, sera propagé
par la France qui l’avait déjà
fait pour le gélasien, grâce surtout
au concours très actif de
l’ordre bénédictin. Grégoire le
grand atteste d’ailleurs au
VIe siècle que ses innovations
dans la messe ne furent rien
d’autre qu’un retour aux plus pures
traditions romaines. Désormais,
seules vont se perfectionner
jusqu’au XIe siècle quelques
prières comme celles de l’offertoire
et de la communion. Il y a
bien eu des ajouts dans le haut
Moyen Age, mais il faudrait plutôt
parler d’évolution homogène
et de stabilisation. On parle
d’une «liturgie émigrant en pays
francs avant de revenir à Rome
revue et francisée». Ce qui fait
dire à l’abbé Claude Barthe:
«Ainsi, on peut estimer que le
missel d’avant leConcileVatican
II reproduit la messe romaine au
moins à l’époque de saint Grégoire
VII (1073-1085). Il est, à
d’infimes détails près le missel
publié par saint Pie V en 1570.»
Le Concile de Trente
Au XVIe siècle, on constate
une période de déclin et d’altération
qui mettra en danger cette
merveilleuse unité liturgique de
la chrétienté latine et qui obligera
les érudits du Concile de
Trente à débarrasser le missel
romain de beaucoup d’additions
et messes du Bas Moyen Age,
éléments médiévaux tardifs qui
défiguraient l’harmonie des lignes
du grandiose monument liturgique
érigé par les Pontifes
romains jusqu’au VIIe siècle.
Sans oublier l’influence protestante.
Seules furent autorisées à
perdurer les liturgies datant de
plus de 200 ans. La messe dite
tridentine est donc en réalité
une oeuvre de restitution de la
messe antique qui a été menée à
bien sous le pontificat de Pie V
(d’où aussi le nom de messe de
Saint Pie V). Cette messe fut
promulguée par la très solennelle
bulle «Quo primum tempore
» qui canonise et impose
définitivement «le missel restitué
à la règle antique et au rite
des Saints Pères» selon l’expression
même du pape Pie V. Le
Saint Sacrifice était ainsi dès lors
en très grande partie fixé dans sa
forme définitive et l’on peut
même dire pour l’éternité car la
messe tridentine n’a jamais été
vraiment abolie et elle a même
fait l’objet par Benoît XVI d’un
motu proprio qui en libéralise
l’usage. C’est un trésor de la Tradition
et le joyau de l’action du
Saint Esprit dans l’Eglise à travers
les siècles. Y retourner,
comme nous y encourage le
pape, c’est aussi mieux comprendre
les racines de la nouvelle
messe, car iln’y a qu’unseul
rite latin sous deux formes (ordinaire
et extraordinaire), comme
l’a expliqué Benoît XV
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