mardi 15 novembre 2011

Une stigmatisée suisse

LIVRE. Un prêtre raconte la vie extraordinaire de Marguerite Bays.



Une stigmatisée suisse



Vincent Pellegrini



«La vie  mystique de Marguerite Bays, stigmatisée suisse», tel est le titre d’un ouvrage publié  ces jours-ci par les éditions Parole et Silence. Ce livre a été écrit par l’abbé Martial Python, curé de Romont que nous avons interviewé.



Martial Python, Marguerite Bays est née en 1815, deuxième de sept enfants, dans une modeste ferme de La Pierraz (FR) où elle a vécu jusqu’à sa mort en 1879. Pourquoi avez-vous écrit un livre sur elle au-delà du fait qu’elle a été béatifiée par Jean Paul II en 1995?



C’est l’histoire d’une longue amitié. A l’âge de 18 ans j’ai découvert chez un copain un livre sur sa vie qui m’a bouleversé. J’ai par la suite étudié sa spiritualité quand j’étais à l’université et puis c’est une personnalité locale dont on connaît encore trop peu la profondeur. J’ai ressenti en elle l’amour de la création et des pauvres en qui elle voyait le Christ. J’ai été frappé de constater qu’elle avait beaucoup médité l’Evangile car elle avait une coloration franciscaine en faisant partie du Tiers Ordre de Saint-François, la branche laïque de la famille franciscaine. Il faut savoir qu’à l’époque les laïcs lisaient peu l’Evangile.



Marguerite Bays était couturière, mais elle ne s’est jamais mariée et elle a élevé le fils de son frère Claude. Cet enfant, né hors mariage, aurait fini à l’orphelinat sans ses bons soins.



Oui elle a été la mère de substitution de ce neveu qui s’appelait François. Elle  a toujours été un modèle extraordinaire de piété. Elle a accepté sa vocation de se sanctifier dans sa famille et en paroisse. Elle a aussi eu la chance de pouvoir visiter des lieux spirituels comme le monastère cistercien de la Fille Dieu où elle a pu approfondir encore sa contemplation lors de retraites. Son vœu  était de  vivre autant que possible comme le Christ avait vécu dans le monde. Elle a d’abord été une paroissienne modèle, s’occupant des pauvres et spécialement des enfants qui l’appelaient volontiers  marraine. Elle faisait partie de tous les groupes actifs dans sa paroisse et a même fondé une œuvre pour les pauvres. Elle a été catéchiste avant l’heure. Elle prenait volontiers les enfants chez elle pour leur enseigner le catéchisme. Elle fabriquait des crèches et y ajoutait des éléments sur la mort du Christ  pour en faire une traversée pascale, ce qui est une démarche très franciscaine. A l’époque on ne faisait pas des crèches à la maison.



Et puis, il y a ces extases et ces stigmates



Vers la quarantaine, Marguerite Bays a été atteinte d’un cancer des intestins dont elle aurait dû mourir. Le 8 décembre 1854, jour de la proclamation de la fête de l’Immaculée Conception, Marguerite Bays, alors qu’elle était  mourante, dans un élan du cœur,  se confia à Marie et elle fut spontanément guérie à  la grande stupéfaction de son entourage. Elle eut tout de suite les premiers symptômes d’une profonde  transformation intérieure. Le vendredi, elle tombait en extase et revivait la passion du Christ. L’évêque, les théologiens, les  médecins et même le préfet durent se rendre à l’évidence et constatèrent la véracité de ses extases. Certains essayèrent de la «réveiller» en la piquant sous les ongles, en vain. Elle eut aussi, comme saint François, les stigmates, ces plaies aux mains, aux pieds et au côté. Elle cachait autant qu’elle pouvait ces marques sanglantes mais là encore un rapport médical reconnut leur véracité.



Ces stigmates ont dû lui donner de la notoriété…



A partir de ce moment beaucoup de monde vint effectivement la trouver et elle en souffrait. Elle a dû développer un nouveau charisme. Elle n’allait plus chez les gens, les gens venaient à elle, provenant  même de différents pays d’Europe. On ne savait jamais rien de ces entretiens. Des témoignages montrent cependant que Marguerite Bays avait un charisme de discernement des esprits et de prophétie. En tout cas, les gens partaient régénérés dans leur vie et il y eut de plus en plus de monde. Sa famille ainsi que le curé ont dû mettre de l’ordre pour qu’on la laisse un peu  tranquille. Elle continuait à revivre la Passion du Christ tous les vendredis. Elle ne mangeait quasiment rien durant le Carême et durant le jeûne de l’Avent notamment. Sa famille disait qu’il n’était pas possible de survivre en mangeant si peu. En se rendant à la chapelle Notre Dame du Bois elle a même eu une vision de la Vierge.



Mais quel fut le trait le plus caractéristique de Marguerite Bays?



Ce qui ressortait d’elle c’était le rayonnement de son regard de bonté qui attirait tant  les enfants. Quant à son témoignage, il est une invitation à passer d’une dévotion extérieure à la vie intérieure. Son message c’est aussi que tout baptisé, même laïc, doit avoir une vie contemplative, c’est-à-dire une vie profonde avec Dieu, pour que Dieu respire dans le cœur de l’homme. Marguerite Bays a été reconnue d’abord par son humanité vraie, authentique, bien avant sa vie extraordinaire liée aux extases. Elle a eu une vie de prière continue tout en travaillant. Les stigmates n’étaient que la conséquence de son amour pour le Christ. Avec les stigmates, elle était devenue un miroir du Christ. Son  message est qu’en méditant sur l’humanité du Christ, on  médite aussi  sur le sens de l’homme dans sa profondeur.



A cette époque, les femmes qui ne devenaient pas religieuses se mariaient…



Pour Marguerite Bays, Dieu seul suffisait. Elle a vécu un célibat consacré de manière baptismale. Six ans avant sa mort, alors qu’elle souffrait trop de la curiosité autour d’elle, elle a demandé au Seigneur d’être délivrée des stigmates. Et ces signes ont disparu! Par contre, ses souffrances ont été intensifiées dans son vécu de la Passion, en particulier le couronnement d’épines. Durant ses dernières années, elle a dû rester alitée durant de longues périodes. Les gens continuaient à venir à son chevet et elle les a toujours accueillis. Comme prêtre je suis émerveillé par sa vie. Elle a démontré qu’on peut se sanctifier en paroisse. Elle a eu une vie d’authenticité et d’amour. Elle n’a jamais jugé les autres. Avec sa famille, elle a eu une patience infinie. Un ange serait venu lui donner la communion un jour où elle était malade. Elle avait un grand amour et une adoration pour les Saintes Espèces. Elle est morte le vendredi 27 juin 1879. Elle a été enterrée à Siviriez .  Aujourd’hui  son corps est dans une châsse en bois dans la chapelle qui lui est dédiée, qui est attenante à l’église de Siviriez.


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