ZERMATT
SUMMIT. Décideurs économiques et entrepreneurs ont réfléchi au pied du Cervin à
la manière d’humaniser la globalisation.
L’économie
et le bien commun
Vincent
Pellegrini
Plus de deux
cents décideurs, économistes et entrepreneurs venant des quatre coins du monde
ont participé au 3e Zermatt Summit. Il a eu lieu du 21 au 23 juin et
s’est donné pour tâche, au pied du Cervin, de définir quels changements
l’économie doit faire pour coller au bien commun. Car changement il y aura au
vu de la crise actuelle, a rappelé Christopher Wasserman, président du Zermatt
Summit. Il a ajouté qu’une ère nouvelle s’impose où l’humain prévaudra et que
le changement passera par les cœurs et les intelligences. On rappellera que le
Zermatt Summit s’est donné pour tâche de créer des réseaux et une réflexion en
vue d’humaniser la globalisation. Cette année, une Déclaration du Zermatt Summit
sur le bien commun a été élaborée pour être envoyée aux personnalités et
organismes importants de ce monde (www.zermattsummit.org). Le Zermatt Summit a
eu l’honneur d’avoir pour orateur à son ouverture le conseiller fédéral Alain
Berset qui avait été invité par Jean-René Fournier. La première journée a servi
à poser les bases théoriques du bien commun et les autres journées ont fourni
aux participants des exemples d’entrepreneuriat où le bien commun est recherché
(un prix a été décerné au site Web d’Ecofrugal Project). Il faut rétablir dans
l’économie une finalité et retrouver un ordre de priorités, a expliqué le Père
Nicolas Buttet qui est l’un des co-organisateurs
du Forum. Il a ajouté qu’une société se structure seulement si le bien
spirituel domine et si le cœur de l’homme passe avant la matérialité. Pour le
Zermatt Summit la finance doit servir l’économie qui doit servir le bien
commun, lequel doit à son tour servir l’être humain.
Dignité de
l’être humain
Le
professeur Nicolas Michel a rappelé qu’il n’existe pas une définition reconnue
du bien commun. En gros, ce serait des conditions sociales permettant à l’être
humain de trouver sa réalisation plus facilement. Il a ajouté qu’il ne pouvait
y avoir de bien commun sans la dignité de l’être humain et sans le respect de
l’être humain. Le bien commun est un juste équilibre entre l’être humain et la
communauté, a fait remarquer Nicolas Michel. Chaque individu est ainsi
responsable du bien commun, de même que les entreprises. Et la raison d’être de
l’Etat est aussi le bien commun, a-t-il précisé. Tout cela peut paraître terriblement basique et pourtant il
ne peut y avoir de bien commun universel sans dignité universelle de l’homme
car il faut toujours partir de l’être humain de
manière concrète. Des entrepreneurs ont ainsi fait part à Zermatt de
leur expérience dans leur domaine. Jakob von Uexküll a expliqué que l’économiste
d’Obama avait déclaré au président américain que deux choses n’allaient pas: le
manque d’altruisme et la dette financière des Etats. L’orateur a poursuivi: «j’ajouterais aussi la dette écologique».
Géopolitique
du bien commun
Le penseur
asiatique Chandor Nair a fait à Zermatt la géopolitique du bien commun. Il a
notamment expliqué: «Il n’est pas vrai
que la technologie va nous sauver. D’ailleurs, le modèle occidental de la
consommation s’effrite. L’Asie ne peut pas suivre le scénario de l’Occident qui
est train de se ruiner. Le droit à la voiture individuelle n’est pas un droit
de l’homme. L’Asie doit adopter un modèle différent avant tout basé sur
l’accès aux ressources car on ne peut pas continuer dans l’illusion
matérialiste occidentale. Ce scénario ne peut pas être dirigé par l’Occident
qui n’a plus d’argent mais qui croit pouvoir aider le Tiers-Monde. L’an passé,
c’est d’ailleurs la Chine qui a le plus contribué au financement du FMI.»
Les pays émergents recherchent d’ailleurs plutôt une coopération régionale, a
fait remarquer Martina Gmür, du WEF. En ajoutant que les façonneurs de demain
ont aujourd’hui entre 20 et 30 ans car il faudra apprendre à définir des
objectifs basés sur une croissance qualitative et pas seulement économique.
Suleika Reiners a souligné qu’il fallait de nouveaux instruments financiers
utiles à l’économie réelle et faire disparaître la finance virtuelle. Pour
elle, on ne peut pas encore parler de démocratie avec le G 20 qui est mieux que
le G 7 mais n’est pas encore le G 192… Pour Nicolas Michel, tout l’ordre
juridique doit reposer sur la dignité humaine et le bien commun universel
comprend la paix, la sécurité, le développement, l’Etat de droit et les droits
de l’homme.
encadré
Témoignages
Il y avait
aussi des religieux au Zermatt Summit. Comme par exemple le cardinal Tauran,
président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Il a fait
remarquer notamment qu’il est difficile pour les sociétés islamiques de comprendre le bien commun comme
un service à chaque être humain. Le moine bénédictin Dermot Tredget, qui est
aussi consultant auprès d’entreprises, a expliqué que la Règle de saint Benoît
pouvait s’appliquer aux entreprises sur bien des points car elle fournit une
forte expertise dans la vie en communauté et la gouvernance, y compris dans la démarche participative.
Jean-Pascal
Bobst, patron de l’entreprise du même nom, a notamment expliqué: «Dieu nous demande d’appliquer les règles
chrétiennes dans toutes nos décisions. Et l’on peut mener une entreprise en
respectant les valeurs chrétiennes. L’humilité est essentielle car lorsqu’on a
fait une erreur il faut savoir le reconnaître.» Frédéric de Narp, patron du
groupe de luxe Harry Winston a dit baser sa gestion sur la générosité et a
conclu: «Le Saint Esprit m’aide
énormément pour prendre les décisions nécessaires.»
Enfin, la
pianiste Elisabeth Sombart (Résonnance), et la danseuse Mallika Sarabhai (Inde)
ont donné un spectacle aux congressistes afin de lancer une action
internationale pour toutes les femmes du monde victimes d’un assassinat.
L’action s’intitule «Les femmes aux Ailes Brisées» à découvrir sur www.femmesauxailesbrisees.org
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